Les reines du jazz, du soul et du blues de Montréal

Richard Burnett

Richard « Bugs » Burnett est un auteur, rédacteur, journaliste, blogueur et chroniqueur canadien. Il écrit pour des hebdomadaires indépendants ainsi que des publications grand public et LGBTQ+. De plus, Bugs connaît Montréal comme une drag queen connaît les produits de beauté.

Cet article a été mis à jour le 9 février 2024.

Les légendes du jazz, du soul et du blues Ranee Lee, Alma Faye Brooks, Kim Richardson, Dawn Tyler Watson et Michelle Sweeney adorent leur ville, Montréal, où elles sont des divas célébrées. Ces reines de la musique se sont produites sur les scènes du monde entier, mais, selon leurs dires, il n’y a rien comme jouer à Montréal.

Voici attraits favoris et les souvenirs montréalais de Ranee Lee, Alma Faye Brooks, Kim Richardson, Dawn Tyler Watson et Michelle Sweeney.

Ranee Lee

Ranee Lee, première dame du jazz au Canada, séduit le public depuis des décennies aussi bien sur la scène qu’à l’écran (elle a joué aux côtés de Billy Dee Williams dans le film Giant Steps en plus de créer le spectacle musical Dark Divas dans lequel elle tenait aussi la vedette). Ranee Lee a écrit le populaire livre pour enfants Nana, qu’est-ce que tu en dis?, a reçu l’Ordre du Canada en 2006 et enseigne à l’École de musique Schulich de l’Université McGill. Elle a également enregistré l’album Ranee Lee Lives Upstairs, primé par un prix Juno, au Upstairs Jazz Bar & Grill de Montréal, nommé parmi les meilleures boîtes de jazz de la planète par le magazine Downbeat.

Pourquoi aimez-vous Montréal?

Ranee Lee : Il y a 50 ans, Montréal m’a ouvert et ses bras pour me faire un câlin; je suis devenue sa fille. La ville m’a donné ma chance, elle m’a offert un port d’attache où poursuivre ma carrière et un lieu sécuritaire où élever ma famille. J’y ai trouvé mon utopie, avec l’amour de ma vie, Richard Ring (un musicien brillant), et mon fils né ici. Pour moi, Montréal représente la foi, l’espoir et la résilience. Il faut du courage pour vivre dans le monde d’aujourd’hui, et Montréal m’a appris à être courageuse.

Qu’aimez-vous le plus faire à Montréal?

RL : On trouve une foule de divertissement de qualité. J’ai joué partout dans le monde, mais une de mes salles favorites est ici même à Montréal : l’Upstairs Jazz Bar & Grill. Bonne bouffe, bon chef, bon personnel et des musiciens et artistes jazz canadiens et internationaux. L’endroit est chaleureux, amical et accueillant. Mes musiciens et moi entretenons avec l’Upstairs une relation qui dure depuis des années. C’est un trésor de la ville.

Quel concert vous a le plus marqué à Montréal?

RL :  J’ai probablement joué dans toutes les salles de la ville à un moment ou un autre et chacune a un petit quelque chose. C’est difficile de choisir un seul concert. Cela dit, personnifier Billie Holiday dans Lady Day at Emerson’s Bar and Grill au Club Soda en 1987 fut extraordinaire. Le spectacle était mis en scène par Roger Peace, que je tiens en haute estime et que je remercie encore d’avoir cru en moi pour ce rôle. J’ai été la première à le jouer au Canada. Nous nous sommes produits à guichets fermés ici et ailleurs, et j’ai décroché le prix Dora Mavor Moore, qui a cimenté ma carrière.

Alma Faye Brooks

La diva supersonique du soul Alma Faye Brooks a grandi en chantant à l’église Union United, dans La Petite-Bourgogne, et a fait son chemin jusqu’à des tournées de comédies musicales comme Hair. Dans les années 1970, alors que Montréal était la deuxième ville du disco derrière New York, Alma Faye Brooks s’est imposée avec le succès Stop, I Don’t Need No Sympathy, puis a été recruté par Casablanca Records. Aujourd’hui, à la tête du groupe La Gioventu, elle fait toujours danser les foules lors de fêtes privées et corporatives, et adore se produire à l’occasion dans les boîtes intimes de Montréal. 

Pourquoi aimez-vous Montréal?

Alma Faye Brooks : Montréal has always been home base, no matter where I travel in the world. I love Montréal for its vast diversity. The city is a melting pot of different cultures.

Qu’aimez-vous le plus faire à Montréal?

AFB  J’aime visiter le parc du Mont-Royal avec ma famille l’été et y admirer les couleurs l’automne. J’essaie de grimper les 400 marches jusqu’au sommet. J’apprécie également les concerts extérieurs pendant les festivals estivaux ou encore me trémousser pendant le défilé de la Carifiesta.

Quel concert vous a le plus marqué à Montréal?

AFB : Au début des années 1970, je faisais partie de l’Afro Combo Drill, un groupe de danse et de chant formé d’ados de la communauté noire. Nous prenions ça très au sérieux, fabriquions nos propres costumes. Nous avions même organisé une collecte de fonds pour financer un voyage au Connecticut où se déroulait un concours jeunesse. Nous représentions le Canada et l’avons remporté.

Une des fondatrices de la troupe, Sharon Whims, une élève de Westmount High, nous avait inscrits au concours. Lorsque nous sommes arrivés sur place, on nous a dit d’attendre au sous-sol. Puis on nous a oubliés là. Nous avons attendu et attendu jusqu’à la quasi fin du spectacle. Puis nous avons décidé de nous présenter sur la scène (avec nos afros, dashikis, pattes d’éléphant et tralala!).

Il faut comprendre que les tensions étaient vives à l’époque. Il y avait des émeutes liées à la race au sud de la frontière. Nous savions qu’il fallait rester digne et faire ce que nous étions venu faire. Nous avons dansé et lancé un de nos chants : « UMM GOW WA! UMM GOW WA! We got the soul power! »

Cette expérience a changé ma vie : d’être là, debout, à demander d’être traitée avec respect, sans violence, seulement avec la musique et la dance. De façon pacifique. Les organisateurs se sont excusés à Sharon pour le malentendu et une autre élève de Westmount High, Kamala Harris, est devenue la première femme et première personne de couleur vice-présidente des États-Unis!

Kim Richardson

Trois fois récipiendaire d’un prix Juno, Kim Richardson est une star née. Fille de la légende canadienne de la scène Jackie Richardson, elle a chanté en duo avec Stevie Wonder à l’âge de 17 ans (ils ont interprété Master Blaster au Club Bluenote de Toronto en 1983) et a volé la vedette dans le rôle de Motormouth Maybelle dans la version francophone de la comédie musicale à grand succès Hairspray au Théâtre St-Denis. Kim Richardson chante régulièrement les hymnes nationaux canadiens et américains lors des matchs à domicile des Canadiens de Montréal et a fait de même lors du tout dernier match de baseball des Expos à Montréal. Les amateurs de jazz se bousculent lorsqu’elle est à l’affiche des boîtes comme Le BalconUpstairs Jazz Bar & Grill et Diese Onze (qui, comme l’Upstairs, est classée parmi les meilleures boîtes de jazz du monde par Downbeat).

 

Pourquoi aimez-vous Montréal?

Kim Richardson : Les Montréalais travaillent pour vivre, ils ne vivent pas pour travailler. Bien sûr, ils travaillent fort, mais ils savent aussi s’amuser. Ils aiment passer du bon temps. Et je peux vous dire, étant donné mon métier, que le public de Montréal procure aussi beaucoup de plaisir.

Qu’aimez-vous le plus faire à Montréal?

KR : L’été est dur à battre. C’est impossible de choisir un seul festival, car ils sont tous géniaux et différents. On comprend bien l’idée de multiculturalisme ici. C’est vibrant et c’est quelque chose que j’adore observer. 

Quel concert vous a le plus marqué à Montréal?

KR : Être à la tête de mon propre spectacle sur la grande scène extérieure du Festival international de jazz de Montréal en 2007 était quelque chose. Je venais de sortir mon album Kaleidoscope et je voulais faire quelques petits concerts. Puis j’apprends que le festival me programme sur la grande scène devant une foule immense. J’avais la trouille. Mais mes musiciens étaient là. Il faut demeurer dans le moment présent, car c’est difficile de croire à ce que vous arrive dans ces moments-là. J’ai mis quelques minutes avant de calmer mes nerfs, ce qui ne m’arrive habituellement pas. C’était génial.

Dawn Tyler Watson

La reine du blues de Montréal Dawn Tyler Watson peut tout chanter, comme peut en témoigner quiconque a entendu sa version monumentale de Je ne regrette rien d’Édith Piaf. Forte d’une carrière riche qui s’étend sur plus de 20 ans, l’artiste s’est produite sur quatre continents, a fait paraître cinq albums et a remporté de nombreux prix canadiens et internationaux (en plus de rafler le titre du prestigieux International Blues Challenge en 2017). Dawn Tyler Watson est une force de la nature qu’on peut voir régulièrement au Upstairs Jazz Bar & Grill. Son cinquième et plus récent opus, Mad Love, lui a valu le prix Juno du meilleur album blues en 2020.

Pourquoi aimez-vous Montréal?

Dawn Tyler Watson : J’ai déménagé à Montréal en 1988 pour aller à l’Université Concordia et j’ai commencé dans le métier après. J’ai été séduite par la ville dès le début. Je me suis toujours sentie chez moi ici, même en tant qu’artiste anglophone. J’aime les Montréalais ainsi que le multiculturalisme et la diversité de la ville.

Qu’aimez-vous le plus faire à Montréal?

DTW : J’aime visiter les différents quartiers comme La Petite-Italie, le quartier chinois, le Village. Quand mes proches sont en visite en ville, je les amène toujours au belvédère Camillien-Houde du mont Royal pour observer l’est de la ville. D’ailleurs, c’est là que j’ai filmé mon discours de remerciement pour les prix Juno.

Quel concert vous a le plus marqué à Montréal?

DTW : Après avoir subi une opération d’urgence au cœur en 2016 et remporté l’International Blues Challenge trois mois plus tard, nous avons présenté un concert au Festival international de jazz de Montréal. Chaque fois que je joue au festival, c’est du plaisir pur. J’ai participé à des festivals partout dans le monde – en Russie, en France, en Allemagne, au Brésil et partout aux États-Unis. Mais c’est différent à Montréal. Il y avait 100 000 personnes à ce spectacle et tous mes amis étaient là! C’était un sentiment incroyable : j’étais gagnée d’une énergie nouvelle de jouer ma musique dans ma ville, devant les miens. C’était sublime. 

Michelle Sweeney

La légende de la soul Michelle Sweeney est appréciée des Montréalais depuis presque 40 ans. Elle est devenue une vedette grâce à la tournée d’Ain’t Misbehavin en 1986, au film de l’ONF Strangers in Good Company, à la série populaire de YTV Student Bodies et au spectacle autobiographique Her Songs, My Story (avec la musique d’Aretha Franklin) présenté à guichets fermés au Théâtre Centaur en janvier 2020. Adulée auprès de la communauté LGBTQ, l’icône gaie a fait une apparition remarquée à la soirée Black & Blue présentée en 1996 au Stade olympique, alors qu’elle est descendue du ciel tel un ange pour rejoindre le chœur Ganymède et chanter Reach Out de Sounds Of Blackness devant 18 000 danseurs et danseuses : un moment que seules les légendes peuvent nous faire vivre. Électrisante sur scène, Michelle Sweeney et ses musiciens mettent le feu à la baraque lorsqu’ils se produisent à la Maison du Jazz, au Upstairs Jazz Bar & Grill ou au Le Balcon.

Pourquoi aimez-vous Montréal?

Michelle Sweeney : J’adore sa diversité. Les différents horizons des gens, les différentes cultures et langues. Je suis si reconnaissante que mes enfants aient eu la chance de grandir dans une ville comme Montréal.

Qu’aimez-vous le plus faire à Montréal?

MS : Je vis près de l’oratoire Saint-Joseph du mont Royal. Lorsque j’étais plus jeune, j’y allais tout le temps. Après les spectacles et les tours de chant dans les bars, mon cœur avait besoin d’un lieu sûr. L’oratoire est devenu un endroit spécial pour moi. Je montais les marches pour m’y rendre et y trouvais un peu de paix. Pour moi, c’est l’un des plus beaux endroits qui existent. C’est le premier endroit que j’ai visité quand je suis arrivé à Montréal, il y a de ça plusieurs années.

Quel concert vous a le plus marqué à Montréal?

MS : Je chante pour le public, alors c’est à lui de choisir ses souvenirs les plus mémorables ; chacun interpelle les gens différemment. Mais au party du Black & Blue du Stade olympique, en 1996, je suis arrivée sur scène sur un élévateur hydraulique. C’était fou! Il n’y avait pas de barrière ou rien à quoi m’accrocher, et je devais descendre du toit du stade pour chanter avec la chorale. J’ai toujours aimé le public gai parce qu’il est plein d’amour. Et plus il souhaite quelque chose de dramatique, plus je lui en donne. Cette soirée-là, des milliers de personnes criaient et dansaient. C’était incroyable. 

Richard Burnett

Richard « Bugs » Burnett est un auteur, rédacteur, journaliste, blogueur et chroniqueur canadien. Il écrit pour des hebdomadaires indépendants ainsi que des publications grand public et LGBTQ+. De plus, Bugs connaît Montréal comme une drag queen connaît les produits de beauté.

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